Lundi 30 août / Roccela Ionica – Reggio de Calabre

Départ aux aurores. Les prévis météo se sont encore plantées. La première partie du trajet nous voit cahoter dans tous les sens. Ce n’est qu’en arrivant à la pointe de la semelle, que la houle s’allonge puis diminue. Les montagnes bordent l’horizon et la plage le littoral. Les villages semblent assez pauvres. Ici pas de belles et grandes villas, mais des immeubles à l’aspect assez délabré ou des maisons bricolées. La centrale électrique que nous passons est désaffectée et les installations rouillées.
Bientôt nous apercevons la Sicile devant nous. Mais nous contournons le bout de la botte et amorçons la remontée vers le nord. Reggio de Calabre s’étale largement sur la côte, plus basse maintenant. Nous entrons dans la petite partie du grand port, réservée à la plaisance. Ce n’est pas un endroit de rêve. Nous sommes coincés entre le haut mur de la digue et en face deux routes, deux voies de chemin de fer et une rangée d’immeubles pas très esthétiques. Il faut dire que la ville a subi un terrible tremblement de terre en 1980, sans parler des bombardements de la dernière guerre. Pour couronner le tout, l’eau est agitée et nous devons installer des amarres équipées de gros ressorts d’acier, pour amortir les mouvements du bateau. Nous serons bercés cette nuit.

Mardi 31 août / Reggio de Calabre – Tropea

Nous quittons sans nous retourner le port de Reggio de Calabre et nous enfonçons dans le détroit de Messine. La Sicile est couronnée d’un nuage rose qui cache l’Etna. Le soleil levant illumine Messine. La circulation est intense, tant dans le sens nord-sud qu’en traversée entre l’Italie continentale et la Sicile. Nous passons comme en 2018 entre les immenses pylônes d’alimentation électrique de l’île par le continent, ainsi qu’entre Charybde et Scylla (sans en subir les conséquences).
La mer tyrhréniènne est calme. Nous avions presque oublié la joie de glisser sur une surface quasi-plate. Quelques dauphins fendent la surface un moment à proximité du bateau. La côte moins austère et battue par les vents, devient plus touristique. Au loin la pyramide du Stromboli crache son petit nuage de chapeau.
Nous atteignons les hautes falaises surmontées de la vieille ville de Tropea, où nous avions fait escale avec Heeren XVII. La marina est fleurie et accueillante. On nous désigne une place au quai principal, juste en face de la pizzeria et de la piscine. La chaleur est accablante en ce début d’après-midi. Nous attendons un peu pour nous lancer à l’assaut de la vieille ville. Quand nous arrivons en haut, après l’ascension, nous sommes surpris par la foule qui déambule, se désaltère aux terrasses ou déguste les fameuses glaces italiennes aux parfums variés. L’accès se fait aussi par la route à l’arrière de la ville.
Nous retrouvons la rue principale et le petit belvédère sur la mer, entre les hautes maisons, où se pressent les touristes pour jouir de la vue plongeante sur la mer et la plage, bordée d’eau turquoise et se prendre en selfie devant le Stromboli.
Journée puis escale très agréable à Tropea, après notre progressions rapide et nos arrêts utilitaires, depuis les Pouilles.

Mercredi 1er septembre / Tropea – Cetraro

Mer d’huile et très peu de vent durant les sept heures du trajet pour Cetraro (au moteur donc). La côte reste montagneuse et assez verdoyante, parsemée de petits villages et de maisons isolées dans la nature.
Cetraro, du moins la partie où se trouve le port, n’a pas beaucoup de cachet. Nous y faisons une escale « pratique » avec une marche d’une bonne heure pour nous dégourdir les jambes et faire quelques emplettes au LIDL (perdu dans la banlieue). Nous avions fait escale en 2018 avec Heeren XVII notre précédent Moody et donc pas de grosse surprise, l’entrée du port est toujours ensablée et un peu délicate d’accès.
Le port n’est pas surchargé, nous sommes trois bateaux au ponton visiteurs. Nos voisins sont turcs et sympathiques. Ils viennent d’acheter en co-propriété un voilier Jeanneau en France, au Cannet en Roussillon et retournent en Turquie, à Marmaris, avec. Nos routes sont quasiment les mêmes, en sens inverse, à l’exception de la Grèce orientale et de la Turquie, qui restent à explorer pour nous.

Jeudi 2 septembre / Cetraro – Sapri

Nous avions envisagé un mouillage forain dans une petite baie pour cette nuit. Mais en sortant de Cetraro, la mer désordonnée et le vent nous ont fait changer d’avis. Nous nous sommes donc dandinés jusqu’à la marina de Sapri, en suivant le littoral montagneux toujours assez verdoyant et ses petits villages, tour à tour perchés ou collés à la côte.
Nous avons profité de notre arrivée assez tôt dans l’après-midi pour faire migrer l’annexe du pont avant, à sa place dans le coffre arrière, avec l’aide salutaire de deux italiens, qui rentraient de balade et passaient sur le ponton. Nous nous sommes lancés dans une expédition « super-market » pour approvisionner de l’eau minérale plate et balade. Dommage que les routes (étroites) ne soient souvent pas équipées de trottoirs.
Le soir, nous nous sommes retrouvés seuls, présents à bord, sur le ponton visiteur…. mais au calme et à l’abri des rafales de vent.

Vendredi 3 septembre / Sapri – Amalfi

Nous avons changé notre plan en cours de route. Au lieu de faire escale à Agropoli (sans grand intérêt), nous avons poursuivi un peu plus notre route jusqu’à Amalfi, puisque la mer était calme. Nous y avions fait escale en 2018 et nous savions que c’était un joli coin. La montagne est imposante et la petite ville et les maisons environnantes sont accrochées comme des boules de Noël à un sapin. Agnelo, le gérant de la partie quai du port était toujours en activité et nous a réceptionnés, avec son jeune aide. Le jeune homme est monté à bord et a tiré sur les pendilles et serré les amarres (bon service). Il y avait pas mal de clapotis dans le port à cause des allées et venues incessantes des vedettes de touristes. Nous pensions qu’il cesserait le soir, quand tout le monde serait rentré au bercail. Nous sommes allés faire un tour dans la vieille ville. J’ai dû refaire les mêmes photos que la dernière fois. Puis nous avons dîné au restaurant le plus proche du bateau, qu’on nous avait recommandé. Les plats étaient très bons, J’ai juste recraché prestement l’abominable première bouchée de ce que j’avais pris pour une pâte croustillante et qui était en fait une croute de sel, sous mon filet de loup.
Quand nous sommes retournés au bateau, il ballotait comme un bouchon dans un shaker. Nous avons levé la passerelle bien haut et sommes allés nous coucher. Mais à une heure du matin, la houle a encore augmenté et quelque chose à l’avant du bateau s’est mis à cogner. C’était l’orin (bouée en plastique dur) dans la baille à mouillage qui cognait contre la cloison. Les mouvements du bateau étaient si violents, que nous n’avons pas risqué d’y remédier. La nuit s’est terminée sans que nous puissions nous rendormir, tellement nous étions bringuebalés dans tous les sens.

Samedi 4 septembre / Amalfi – Procida

Après notre nuit d’enfer, sans avoir quasiment dormi, à cinq heures nous nous sommes levés et à six Agnelo est arrivé, comme il l’avait promis. Il nous a aidé à récupérer les câbles électriques et tirer les amarres (nous avions rentré la passerelle la nuit pour l’empêcher de tomber à l’eau). Nous sommes sortis du port en espérant que ce serait mieux dehors. Hélas, mille fois hélas, s’il n’y avait plus le risque de choc contre les autres bateaux et le quai, la houle était là et bien là et nous a accompagné avec force jusqu’au passage entre le continent et Capri à Bocca Piccola. Ensuite elle s’est un peu calmée en restant désordonnée. Quand nous sommes enfin arrivés à Procida, nous avons soufflé de soulagement. Ici le port est bien abrité et à quai, le bateau ne bouge quasiment pas. Un délice. Procida est très proche de Naples et desservie par un grand nombre de ferries. Ils se succèdent au port de commerce, où voyageurs et voitures se pressent pour monter ou descendre dans un joyeux bazar. Nous avions visité l’île à vélo en 2018. Cette fois, nous sommes restés à proximité du bateau. 
En fin de soirée nous avons été entourés de bateaux à moteur chargés de familles avec enfants et chiens, tous plus bruyants les uns que les autres. Les gamins se sont mis à jouer au ballon sur le quai, qui est assez large et bien sûr le ballon est régulièrement tombé à l’eau. Les gosses ont chouiné, les parents ont crié, le roquet a aboyé et ça a duré toute la soirée. Ensuite on s’est calfeutrés dans l’habitacle avec la clim et on n’a quasiment plus rien entendu, tout en étant au frais.

Dimanche 5 septembre / Procida

Journée de repos pour recharger nos batteries. La terre arrête enfin de bouger sous nos pieds. Lessive, balade, rangement, lecture, petite marche jusqu’au quai des ferries. L’animation y est telle que nous fuyons rapidement pour retrouver le calme du bateau. Car c’est la fin du week-end et petit à petit le quai visiteurs se vide autour de nous. Le soir arrivé, nous restons seuls avec un autre voilier, dont les occupants sont absents. Quelle différence avec le bruit de la veille!